NOUVEAU FORUM DES DROITS DIVINS

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La voiture tremblait sur la route caillouteuse traversant la Champagne en direction de Paris. La pluie battait son plein et le vent augmentait, rendant la hâte d'arriver encore plus présente.

Agius l'avait regardée d'une étrange façon, un peu comme son cocher d'ailleurs, au moment où elle était monté dans le véhicule.
Elle en fut des plus troublées et frissonna, peut-être était ce de froid mais aussi d'un peu de malaise. Elle fixa ses yeux sur l'horizon. On pouvait voir la forêt, les champs, le village s'éloigner de plus en plus. Elle se prit à rêvasser du bal qui aurait lieu bientôt. La nuit avancée, elle se sentait fatiguée mais n'osa pas s'assoupir.

Il la sortit alors de sa rêverie.

Oh ... oui, je vous l'aurais bien proposé mais nous étions pressé il me semble. A notre retour, si vous le voulez ...

Sa question restait en suspension, comme évoquant de multiples possibilités. Vertus était un petit village. Peu de choses pouvait intéresser le Comte de Paris. Peut-être ... Enfin, elle verrait bien à leur retour.

Le hululement du vent dans les interstices du coche, ou serait-ce celui d'un hibou, le fit soupirer. Diantre, comme il détestait la campagne ! Il cherchait pourtant une réponse appropriée, il la travaillait comme un diamant, ne voulant pas l'offrir à la dame si la moindre de ses impuretés était visible.
Il lui répliqua enfin :

- OH oui, très pressé, mais je serais enchanté de le visiter en votre compagnie lors de notre retour. Je verrais ainsi ce qui vous retient aussi ardemment en province et ce qui a provoqué votre "fuite" de Paris. Cela exite ma curiosité au plus haut point.

Il prit ensuite une profonde inspiration. Ses paroles étaient entrecoupées contre son gré, une force inexprimable lui bloquait la gorge. Le réflexe de société reprit le dessus, et pour sauver les apparences si vitales de nos jours, il plaisanta d'une voix joyeuse :

- Quel froid ! Je bafouille. Quel temps étrange pour accueillir le printemps. Je crois que le soleil a quitté le ciel pour venir habiter dans mon coche.

Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 27/02/2008

Le vent battait sa cape. Ses yeux plissés observaient le carosse filant à vive allure sous la pluie et la tempête. L'occasion était belle, trop belle.
Tournant sa monture vers ses hommes, Sephren souriait.

Allons y !Donnant de grands coups dans les flancs de l'animal, ils dévalèrent la pente de la petite colline, galopant à bon train, les sabots des animaux s'enfonçant dans l'herbe trempée et boueuse. Ils étaient habillés de noir, cape volant au vent, col haut, tricorne protégeant leur tête. Ainsi emmitouflés, ils avaient l'air de fantômes sombres volant dans le vent et la brume. La faible lueur de la nuit laissant invisible leurs mouvements.

Le bruit du galop finit par se faire entendre non loin, sur la route. Le cocher se retourna et cria aux occupants de la voiture :

Nous sommes attaqués mon seigneur !Le cocher fit accélérer les chevaux mais ceux ci fatigués de leur première traversée, se laissèrent rapidement rejoindre par les cavaliers.

Ambroisie avait décidément hâte d'arriver à Paris. La promiscuité avec le Comte dans cette voiture la mettait légèrement mal à l'aise. Il évoquait une "fuite" de Paris de sa part, vers ce petit village. Il est vrai qu'elle ne s'était pas attendue à quitter Paris si rapidement. Elle réfléchissait à une réponse à donner quand il parla du soleil. Elle esquissa un sourire accompagné d'un rosissement de sa peau.

Elle sortit de sa rêverie quand le cocher hurla pour couvrir le bruit de la route et de la pluie.

Elle regarda le Comte, inquiète et se tourna vers la petite fenêtre arrière pour apercevoir effectivement que des ombres s'approchaient dangereusement du véhicule.
Les chevaux hennirent d'être poussé à bout. La voiture vibrait de manière affolante.

Messire ... Agius ! ... Elle tremblait, paniquée.

Par tous les démons de l'enfer réunis, on nous attaquait. Les aléas du voyage me direz-vous... Quoiqu'il en soit Les dires de la population étaient désormais véridiques ; les routes de Champagne ne sont plus sûres. Les bandits avaient sûrement été attirés par l'écu peint fièrement sur la paroi du carosse. Comme tout est vanité...

- Par la barbe de Tybald ! Que fait la police de Champagne !

Il sortit, lui aussi, une tête imprudente au dehors. Il ne pouvait distinguer leurs nombres sous le rideau de pluie, mais à entendre le bruit de leurs chevaux, ils devaient être trop nombreux pour espérer un combat égal. Il se tourna vers la dame, le regard plein d'inquiétude.

- Il est temps pour vous de prier le dieu en lequel vous croyez. Si votre dieu du feu pourrait nous envoyer quelques boules de feu ou deux ou trois éclairs, cela nous serait fort utile.

Puis, il frappa contre la paroi du carosse avec un poing rageur.

- Trêve de palabres cocher et fouettes donc !

Sous le hennissement des chevaux et le grognement du serviteur, il dégaina son épée, prêt à parer toute éventualité. Il savait que les bandits étaient loin d'avoir un coeur, pire encore si les victimes étaient nobles.

Ambroisie regarda le Comte tirer son épée. L'arme ne servirait à rien dans l'habitacle, assurément et le nombre d'assaillant viendrait vite à bout de cette faible défense. Elle pria, oui. Elle le faisait depuis le moment où ils étaient sur la route, mais il faut croire que les Dieux étaient bien occupés par cette nuit tourmentée.

Elle n'avait aucune arme, même pas une dague. Qu'aurait elle fait de toute façon ?

Messire Agius, votre épée nous sauvera-t-elle ? Ils semblent ... si nombreux ...

Les roues claquèrent sur les pavés de la route. Le cocher criait sur les chevaux qui ne semblaient plus avancés. La voiture semblait ralentir progressivement.

Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 27/02/2008

Le petit groupe de cavaliers poussaient leurs montures à la course, remontant progressivement jusqu'à la tête de l'attelage. L'écume dans la gueule des chevaux conduisant la voiture montrait que les bêtes étaient à bout de force.

Un des cavaliers poussa les chevaux à sortir de la route et à s'arrêter. Le cocher avait sorti une arme, près à se défendre. Le vent et la pluie tombant à grosse goute rendait difficile la distinction des visages. La petite lanterne de l'intérieur du coche donnait un léger halo autour de la scène.

Une dizaine d'autres cavaliers entouraient le carrosse maintenant arrêté. Sephren portait une fine lame brillante. C'était un excellent bretteur, aussi fourbe que ses bottes, aussi rapide que l'éclair.

Le tonnerre éclata tout d'un coup. Il descendit de sa monture et tira sa lame. Il approcha de la porte. Plusieurs de ses accolytes l'imitèrent et deux d'entre eux avaient maîtrisé le cocher qui avait tenté de se défendre.

Etrangement, ils ne l'avaient pas tués.

Monsieur le Comte ! Veuillez, je vous prie, ranger cette pièce ! Vous risqueriez de malencontreusement vous blesser et ce n'est point ce que je désire ...

Sephren attendit qu'il s'exécute, un sourire narquois sur le visage.

-Messire Agius, votre épée nous sauvera-t-elle ? Ils semblent ... si nombreux ...

Voilà qui était finement observé... Il lui répondit :

- Que peut faire une lame contre le vice... Peut-être suffira-t-elle à leur imposer un minimum de respect...

Mais le carosse s'arrêta brusquement. Ils entendirent encore les jurons étouffés du cocher, puis un tête patibulaire, surgie de l'ouverture de la porte, lui donna un cruel démenti sur la réponse qu'il avait donné à Ambroisie.

Monsieur le Comte ! Veuillez, je vous prie, ranger cette pièce ! Vous risqueriez de malencontreusement vous blesser et ce n'est point ce que je désire ...

Ravalant sa fierté désormais inutile, le comte s'excécuta à contrecoeur. L'épée se rangea silencieusement dans son fourreau de cuir. Il descendit et remarqua que son cocher était maîtrisé par deux accolytes ; il vit également que le nombre des bandits était au nombre de dix. Malgré cela il réfléchit à la phrase de l'homme qui semblait être le chef... Il ne voulait pas le blesser et ce fut peut-être cela qui lui donna assez de courage pour lui répliquer :

- Je vous saurai gré de vos moqueries. Vous avez le dessus certes, mais votre inconvenance est insupportable lorsqu'une dame est présente.
D'ailleurs que comptez-vous faire ? Vous ne venez pas m'adresser vos salutations je pense. Et puis, laissez partir cette jeune femme, cette affaire ne la regarde en rien.

Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 27/02/2008

Ayant longuement entendu parler du Comte de Paris, Sephren ne s'étonna guère de la répartie du noble. Il avait une mission et la mènerait à bien. Les moyens, il les avait. La bourse bien remplie du baron y avait largement contribué.

De son regard amusé, il toisa Agius puis posa les yeux sur Ambroisie. Elle pouvait être une amusante distraction, assurément. Ses cheveux bouclés, légèrement défaits, sa robe simple laissant deviner ses formes alléchantes, le Comte savait les choisir, jeune et belle.

Les femmes aiment la peur, le frisson, cher Comte ! Remerciez moi donc, elle vous tombera plus facilement dans les bras. Enfin, si je la laisse repartir avec vous. J'avoue qu'elle est tentante. Il sourit à la jeune femme qui regardait par la fenêtre. Elle sembla s'offusquer de ses paroles. Pourtant il continua à sourire en la dévisageant de manière évocatrice.

Sephren éclata de rire puis redevint sérieux. Il posa la lame sous le menton de Agius et se mit à le regarder en silence. Seul le bruit de la pluie couvrait maintenant le lieu. Un autre éclair déchira le ciel.

Damoiselle, venez donc sous cette pluie que je vois de plus près vos traits raffinés !

- Me donnez pas de leçon sur la gente féminine. Si par votre mine, vous faîtes trembler, pour mieux séduire, les catins qui vous servent de compagnie, cela vous regarde.

Puis, le comte sentit le contact froid de la lame contre sa gorge. Triste rappel de la réalité. Il essayait de deviner leurs intentions, mais ils ne laissaient rien paraître avec leurs grimaces simiesques. Cela devait être encore une sale histoire d'intrigue entre courtisans... mais pourquoi le laisser en vie ? Tant de question, si peu de réponse.
Il sentit néanmoins que la situation pouvait être dangereuse pour Ambroisie. Il dit avant que celle-ci réponde :

- Vous ne m'avez pas répondu et j'estime que dans ma position, j'ai droit au moins à des réponses... Que voulez-vous faire de moi ?

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Comme il avait envie de pousser plus loin le froid de cette tige de métal fin dans le gosier de l'homme mais hélas, il n'était pas là pour ça. Il appuya juste légèrement, juste assez pour qu'un fin filet de sang coule sur sa gorge.

Sans répondre à Agius, Sephren reporta à nouveau son regard sur Ambroisie.

Allons donc, belle jeune fille ! Venez ! Je n'aimerais pas devoir égorger votre ami aussi froidement !

Les autres hommes rirent aux propos de Sephren.

Agius avait dû descendre sous la contrainte. Le brigand ne lui avait laissé guère le choix. Apparemment ceux ci n'en voulaient pas à de quelconques louis d'or ou encore à leurs vies. Mais que cherchaient ils ?

Ambroisie était émue qu'Agius prenne ainsi sa défense et se préoccupait de sa vie. C'est alors que l'autre homme avait posé sur elle un regard qui l'a glaça bien plus que tout autre chose. Il lui demandait de s'approcher. Malgré les efforts d'Agius, celui ci insista, mettant en danger la vie du Comte. Elle ouvrit la porte et descendit, avançant à côté d'Agius sans trop se mettre à portée. La pluie continuait, glaciale. L'orage se mit à gronder.

Cette nuit semblait être maudite.

Que faire ? Lui dire de s'en aller, de prendre ses jambes à son cou ou rester là sans rien faire... attendre qu'il se décide. Elle pouvait partir, les bandits ne s'intéressant visiblement qu'à sa propre vie, en sachant pertinemment que les bandits à cheval ne tarderait pas à la rattraper. Agius se mit à maudire la destinée de l'avoir mis en route pour Vertus. Les voies de Dieu sont décidément impénétrables.
Et tout cela pour une invitation...
Il aurait été plus sage d'envoyer un messager, un pigeon à la limite, mais venir ici sans garde. Quelle inconscience ! Bah ! Ce qui est fait est fait, et puis les bandits l'auraient eu un peu plus tard. Que valait un temps de répit face à l'entrevue dans le relais ? Son seul regret était d'avoir mis dans cette situation incofortable celle qui partageait sa route.

Agius tenta un regard vers Ambroisie, un regard où la première fois l'on voyait l'impuissance, la crainte.

Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 27/02/2008

Ah enfin la donzelle s'était décidée. Elle s'était approchée lentement, craintive. Sephren admira la vision. Il avait décidément raison. Le Comte avait fait un beau choix. Il souriait ironiquement devant la scène, la jeune fille dont les vêtements collèrent rapidement à ses formes, en retrait de son ami le Comte. C'en était presque émouvant. Mais Sephren ne connaissait pas ses sentiments là. Il convoitait, manipulait, son coeur de pierre et sa main de fer. Il aimait sentir cette puissance, cette domination.

Il dévisagea la fille, la saisit par le bras pour la tirer contre lui en la tournant dos à lui et en caressant son cou de sa lame, laissant à Agius constater la scène.

Ah cher Comte Agius. Sacrifieriez vous cette charmante libellule contre votre misérable vie ? Il éclata de rire. La femme frissonnait. Son corps chaud contre le sien, son parfum l'aurait presqu'ennivré s'il n'avait sa mission à accomplir. Il cala le visage d'Ambroisie dans le creux de son cou, dégageant largement sa gorge où se trouvait sa lame prête à trancher. Ses lèvres donnèrent un baiser sur sa joue mouillée. Si charmante, n'est il pas ?

- Vous êtes abject !
Prenez plutôt la mienne et laissez la partir, elle n'a rien à voir avec notre affaire !

S'il fallait jouer la carte de l'héroïsme, autant le faire jusqu'au bout. Dans la situation où il se trouvait, il valait mieux s'en sortir avec dignité. Et puis sa vie ne valait pas plus que la sienne... Le spectacle lui donnait la nausée. Le bandit s'amusait de sa puissance, en profitait, sous les rires gras de ses compagnons. Tout cela semblait être une grosse farce, une illusion causée par l'obscurité de la nuit. Peut-être se réveillerait-il bientôt et il remarquerait qu'il s'était endormi dans le carrosse. Le comte ne pensait plus, il n'y arrivait plus. C'était une torture terrible, Agius voulait crier, mais sa voix se perdit dans sa gorge.
Le baiser fut le paroxysme du dégoût. Il détourna la tête avant de reprendre d'une voix amusante. Comble du cynisme.

- Votre pauvre esprit concupiscent ne peut rien comprendre au charme. Cessez donc cette vile comédie, capturez-moi et laissez la partir !

Agius !!

Elle eut juste le temps de pousser ce cri avant de se retrouver entre les mains de l'homme. Il l'avait surprise en la tirant par le bras violemment et en la serrant contre lui. Le coeur d'Ambroisie battait dans ses tempes, la lame vint se loger sous sa gorge et elle crut que c'était sa fin. Elle regrettait tant de choses qu'elle n'avait encore faites. Un éclair déchira le ciel alors que le monstre qui la tenait fermement vint lui poser un baiser diabolique sur sa joue. Elle grimaça. Cherchant en vain à bouger, il serrait de plus en plus son étreinte malsaine. Elle sentit une fine douleur, l'épée lui mordait la chair plus qu'il n'y paraissait. Elle ne bougea plus, elle aussi impuissante. Mais quand allait il leur dire ce qu'il attendait d'eux !

Sa gorge était sèche. Les mots ne sortaient plus. Elle ne pouvait qu'attendre la suite sans broncher. L'homme semblait prendre un malin plaisir à les torturer.

Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 27/02/2008

La femme est d'une beauté éphémère ne trouvez vous pas mon cher ? Et la peur leur donne un goût plus sucré, plus fin.
Il riait de la réaction d'Agius, ne le quittant pas du regard, posant même une main sur le sein de la femme. Le charme et ses jeux, je n'en ai cure ! Seul le plaisir d'un moment comme celui-ci est sans égal ! Merci de votre offrande, messire le Comte.
Il attendit encore un petit instant avant de jeter Ambroisie dans la boue. Un des hommes de Sephren la ramassa rapidement, en riant.
Mais vous avez raison ! Trêves d'amusement, je ne suis là que pour une seule chose. Il regarda, amusé, deux autres de ses hommes emmenés Ambroisie derrière le carrosse, hors de la vue du Comte. Quelle est son nom déjà de votre ... Il fit une pause comme pour chercher un nom approprié. .... on va dire amante, ça me semble judicieux ? Oui ?
Un cri parvint de derrière la voiture. Alors ? son nom ?

Il fit un signe aux hommes qui maitrisaient toujours le cocher. Un de ceux ci sortit une pièce de métal et arracha la langue du cocher. Le cri du pauvre homme déchira la nuit. Celui ci ne parlerait plus jamais.

Cette fois-ci il allait trop loin. Le cri étouffé par les gargouillis sanglants du cocher, sa langue coupée et l'attitude qu'ils avaient avec Ambroisie ne lui inspirait que dégoût. Certes, il n'aimait pas son serviteur, mais de quel droit lui faisaient-ils subir ces sévices ! C'en était trop pour le comte.

- Son nom ? Vous osez me demandez son nom ! La pureté cristalline de son nom serait à jamais sali par les immondices de votre bouche !
Son nom est musique. Elle est la musique des oiseaux lorsque le printemps se relève des frimas de l'hiver. Elle est la musique du feu crépitant dans l'âtre familial. Elle est la musique du joueur de flûte qui voyage sur les routes champêtres. Elle est la musique du vent dans le feuillage des arbres.
Je ne vous donnerais jamais son nom, car vous faire cette offrande serait vous donner tout d'elle. Je préfère encore mourir pour cette part que vous ne pourrez voler, violer...

Les yeux du Comte, qui étaient restés secs depuis bien longtemps, se fermèrent sur deux larmes. Il se retourna pour porter secours à la jeune femme. Qu'importe les conséquences.

Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 27/02/2008

Voyant qu'enfin le Comte avait atteint l'état qu'il attendait, Sephren riait de plaisir alors que l'homme en face de lui montait de ton, de rage, usant de ses dernières ressources.

Le Comte Agius se retourna pour se diriger vers les cris qu'avaient poussé la femme. Sephren le talonna, l'épée ruisselante pointée vers Agius. Contournant la voiture, ils trouvèrent Ambroisie attachée à un arbre entourée des hommes de Sephren, le corsage déchiré offrant une vue pigeonnante vers sa poitrine, la lèvre inférieure en sang.
Il attrapa violemment le noble par l'épaule et le poussa vers la voiture pour le faire monter à l'intérieur.

Montez ! Ainsi vous aurez une vue prestigieuse sur votre donzelle. Je la trouve encore plus belle maintenant. Admirez donc, messire. Admirez ce regard furieux, ses seins évoquant les plus doux délices des maisons de plaisirs et peut-être le reste ... Un silence se fit alors que Sephren fixait Agius de ses yeux noirs, un sourire en coin, laissant Agius regarder la scène où ses hommes relevaient la jupe de la fille attachée. Après un petit moment, Sephren reprit d'un ton presque bienveillant.
Mais ... Il ne tient qu'à vous d'arrêter ce calvaire ! Il écarta un pan de son manteau et en dévoila un document soigneusement plié et protégé d'une pochette de cuir. Signez moi cela et mettez y votre sceau personnel. Ainsi je mettrai un terme à cette petite entrevue qui, ma foi, fut fort charmante. J'aurais bien prolongé mais, voyez vous, d'autres affaires m'attendent. A moins bien sûr que vous ne vouliez que je vous débarrasse de cette jeune demoiselle ?Il se tourna vers la jeune femme qui se débattait comme elle pouvait, attendant la bonne volonté du Comte.

Une colère sourde et terrible montait en lui, lui frappait ses tempes endolories. Il détourna rapidement son regard attristé du spectacle qui s'offrait à lui.
Puis, il prit en silence le document plié qu'on lui tendait. Le contact du cuir... Il le remuait fébrilement entre le pouce et l'index. Il ne réfléchissait pas... Le dilemme n'existait pas. Qu'est-ce qu'une signature contre une vie. Il l'aurait signé sans hésiter pour sauver la vie et l'honneur de la dame, mais quelques interrogations restaient encore en suspens. Après la signature obtenue, le saint Graal de leur quête nocturne, ils pourraient très bien les tuer dès qu'ils auraient le dos tourné. inconscient du danger qui les guetterait.
Il parla enfin, sa voix s'était presque éteinte pour ne ressembler plus qu'à un vague murmure qui se perdait dans les terreurs de l'orage. Il essayait pourtant d'y mettre toute l'autorité qui lui restait.

- Libérez-la d'abord et vous aurez ce que vous désirez si ardemment. D'autres affaires vous attendent ? Cela tombe bien, nous avons autre chose que d'attendre le bon vouloir de faquins de votre espèce. Libérez-la et je ferais ce que vous voulez... tout ce que vous voulez.

Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 27/02/2008

Sephren observait toujours la scène sans répondre, souriant, alors qu’un des hommes remontaient les jupons de la donzelle. Il eut un petit rictus et haussa les épaules en se tournant vers le Comte qui osait poser encore des conditions. Il en fut presque amuser sauf qu’il n’était nullement magnanime. Il prit la main d’Agius en la serrant par le poignet, approchant de son visage.

Votre jeu est dangereux, cher Comte. Plus le temps passe, moins je les retiendrai. Ils ont soif de cette chair tendre, savoureuse, parfumée. Les pauvres, ce n’est pas tous les jours qu’ils peuvent se délecter d’un breuvage autre que celui des catins ! Sephren avait perdu son sourire. Son visage était fermé de toute émotion lisible. Signez ! Son ton était froid, autoritaire, sans aucune faiblesse. Il se savait en position de force. Les tentatives du Comte resteraient vaines.

- Vous permettez ?

Agius libéra d'un mouvement brusque son poignet et sortit une plume et un encrier s'éloignant ainsi du visage de l'homme qui lui donnait la nausée. Il déplia le papier, ne prit la peine de lire -à quoi cela servirait-il de toute manière- et trempa la plume dans le liquide noir. Elle grinçait, comme le bec d'un oiseau de malheur, sur le papier jauni. Quelques courbes tremblantes se dessinèrent, irréelles, sorties tout droit du néant.
Il regarda encore une dernière fois la fatidique et sombre signature avant de rendre le papier au bandit.

- Laissez-nous partir désormais par pitié. Vous avez ce que vous vouliez.

Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 27/02/2008

Sephren retrouva un sourire cinglant quand Agius signa le parchemin. Il le lui rendit, suppliant de les laisser partir. Sephren se leva dans l’habitacle, puis descendit la lanterne.
Vous oubliez votre sceau messire ! Sans le sceau, cette signature n’avait rien de valide, il le savait parfaitement. Il laissa Agius tremper sa bague dans la cire coulante de la bougie et déposer la marque légitime. Enfin Sephren plia rapidement le document et le rangea.

Et bien voilà, ce n’était pas compliqué ! Je vous souhaite une belle nuit à votre gente et vous-même !

Sephren descendit du coche, siffla. Ses hommes quittèrent rapidement l’endroit en enfourchant leurs chevaux, s’éloignant dans la campagne brumeuse et sombre. Sephren passa un instant près d’Ambroisie, toujours l’arme à la main. Il trancha d’un trait. La corde tomba sur le sol, libérant la donzelle. Il se contenta d’un Dommage ! avant de partir à son tour avec son cheval.

Rien n'avait pu la préparer à ça. D'abord jetée dans la boue, ensuite emmenée par des hommes, attachée à un arbre. Elle s'était débattue et ils l'avaient frappée. Elle n'avait pu se libérer de leur étreinte. L'un d'eux avait déchiré son corsage sans autre manière qu'une brutalité aveuglante. L'autre avait ri du spectacle.

Quand elle avait vu apparaitre Agius au détour de la voiture, elle avait retrouvé un espoir, vite éteint envoyant Sephren le suivre non loin. Ils avaient disparu dans la voiture alors que les deux hommes qui l'entouraient caressaient ses jambes tout en remontant lentement. Souvent ils jetaient un regard vers Sephren dans l'habitacle du coche.

Ambroisie ne réagissait plus. Elle avait fermé les yeux, priant les Dieux pour que tout cela s'arrête enfin. Tout d'un coup, la voix de Sephren monta de l'intérieur du véhicule. Puis, un sifflement. Les hommes enlevèrent leurs mains de son corps froids et mouillés. Ambroisie frissonnait. Sephren s'approcha avec son arme. La mort cette fois ? Où allait il continuer ce que ses hommes avaient commencé ? Elle frémissait à cette idée. Contre toute attente, il trancha ses liens en murmurant un "dommage". Il s'en alla rapidement. Elle tomba à genoux. Elle fixait la voiture, de peur qu'il soit arrivé quelque chose au Comte. D'abord d'une petite voix, elle prononça : Agius ? Puis d'une voix plus insistante, se relevant en même temps, elle cria : Agius ???

Le Tonnerre couvrait en partie sa voix. La pluie s'était encore intensifiée. Elle était debout, trempée, sale, indigne. Elle fit un pas en direction de la voiture, tremblant comme une feuille.

Le coche s'ouvrit une deuxième fois et dernière fois.
Agius sortit, maintenant son hébétude avait fuit, libérée des chaînes de la folie humaine, et il se précipita vers Ambroisie. Le temps devenait de plus en plus terrible. Des éclairs zébraient désormais le ciel, le déchirant chaque fois dans un bruit terrible. Il couvrit les épaules nues et ruisselantes de la dame avec le lourd manteau de fourrure qui ne l'avait jamais quitté depuis Vertus. Il se pencha vers elle, une main tremblante sur son épaule qui se voulait rassurante, et lui murmura d'une voix douce :

- Venez, partons de ce lieu maudit.

Le cocher apparut lui aussi. Ses habits étaient couverts d'une longue trainée rouge qui montait jusqu'à sa bouche meurtie. Son regard était voilé, perdu derrière les larmes.
Les yeux du comte devinrent, eux aussi, humides.

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