Ce matin là, les cris éveillèrent la demeure. Les murs résonnaient de cris effrayants, déchirants. Un homme d'un certain âge, les traits fatigués, l'allure ennervée, faisait les cent pas dans le salon. Son visage crispé montrait l'inquiétude. Mais un homme, un vrai, ne laissait couler aucune larme sur son visage. Pourtant, dans ses yeux, une tristesse immense pouvait s'y lire.
Soudain ce fut le silence. Un long et inquiétant silence. Plus encore que ces plaintes atroces. L'homme s'arrêta, levant les yeux vers le plafond de la pièce comme s'il pouvait voir à travers le plancher. Il semblait attendre un signal, un appel mais rien, le néant. Un bruit de pas rompit le silence. Le coeur du vieillard se mit à s'emballer. Il contemplait toujours le vide.
Les pas se firent plus vif, allant et venant dans la pièce. Mais rien de plus que ces bruits sourds. Aucun indice ne pouvait dire ce qu'il se passait dans la chambre.
J'ai un mauvais pressentiment, Dany. Le vieil homme venait de s'adresser au petit garçon assit sur une chaise et qui ne disait rien. Il était calme. Son visage placide. Son regard sévère était étrange pour un garçon d'une dizaine d'année.
Peut-être qu'il est mort ... répondit l'enfant d'un ton sec.
Le père se retourna vers son fils, outragé par ses propos.
Mais qu'est ce que tu racontes ! Arrête ça ! Dany toisait son père avec un sourire sadique.
Le père leva la main vers son fils quand une voix se fit entendre derrière eux, de l'embrasure de la porte.
Monsieur .... Il nous faut vous parler ... La voix se voulait douce mais triste. Le vieil homme oublia l'enfant, se tournant vers la porte du salon. Sa main reprit sa place lentement, ses yeux fixant la jeune femme qui se trouvait là, le tablier en sang, la coiffe parfaite, aucun cheveu ne se rebellant. Elle avait presque l'aspect d'un ange. Il s'approcha lentement.
Mademoiselle, dites moi ... Il ne termina pas sa phrase en voyant les yeux de la femme se baisser, fuyant son regard. Il comprit alors que tout ne s'était pas déroulé si bien que l'avait laissé croire la sage femme.
Mais ... vous aviez dit que ... tout irait bien ? Les pensées de l'homme se bousculait. Non ce n'est pas possible. Elle va bien, tout va bien ... c'est stupide ! Pourquoi cela nous arriverait à nous ? Cinq solides gaillards, jamais de problème. Non .... Tout va bien ... elle se trompe ! Elle me fait une farce ! Très mauvaise d'ailleurs ... Malgré cela, il poussa la femme et se précipita vers l'étage. Celle ci voulut le retenir mais la force du pêcheur était telle qu'elle n'y arriva pas.
Arrivé à l'étage, la main tremblante, il poussa la porte de la chambre, leur chambre. Il découvrit l'horreur. Sa femme gisant dans le sang. Son ventre était encore gonflé. Les instruments de sa torture interminable qui avait duré depuis la veille après midi, se trouvaient sur le lit. L'homme quitta la pièce, fermant la porte. Cette vision lui semblait celle d'un cauchemar. Posant son dos sur le mur à côté de la porte, il se pencha, pour laisser sortir le fin fond de ses boyaux. Il essuya sa bouche d'un revers de la manche. Elle n'était plus. Il se retrouvait seul au monde.
Hey 'Pa ! Alors elle est morte ? Dany était monté à l'étage. Il avait ouvert la porte, observant sa mère gisant.Après ce qu'elle t'a fait, elle n'a que ce qu'elle mérite ! Le père se retourna et frappa son fils d'un coup puissant. Le gamin ne broncha quasi pas. La sage femme arriva peu après, affolée de leur comportement. Mais vous êtes fous ? Par tous les dieux ! Elle pénétra dans la chambre à côté et ramena un paquet enveloppé et le tendit au pêcheur. J'ai réussi à la sauver ... votre fille. Elle n'a pas pleuré .... je pensais qu'elle était morte aussi. Elle sourit à l'homme attendant qu'il prenne l'enfant. Ce n'est pas ma fille. cracha-t-il à la sage femme avec mépris. Cet enfant a tué ma femme ! Elle est le fruit du pêché ! Elle ne mérite pas de vivre. La sage femme, choquée de l'attitude du père, reprit le bébé dans ses bras. Dany souriait la bouche en sang. Il semblait se satisfaire de la situation. Il faut dire que quelques mois auparavant, il avait surpris sa mère avec un autre homme. Il avait tout balancé à son père et ne reconnaissait plus aucune autorité à sa mère. Le pêcheur avait somme toute accepté la situation à l'époque. Mais finalement, pas du tout au grand plaisir de Dany. J'emmène l'enfant. Je vous la rapporterai quand elle sera en âge de se débrouiller et de rejoindre votre famille, dans 3 ans. J'espère que d'ici là, vous aurez repris vos esprits ! La sage femme semblait furieuse. Elle tourna les talons avec le bébé et avant de descendre, se tourna vers eux. Elle s'appelle Ambroisie. C'est le nom que votre femme a choisi dans ses derniers instants.
C'est ainsi que commença la vie trépidante d'Ambroisie.
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